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Perspectives pour les CDI en France

D 18 juin 2018     A Bureau de l’APDEN Lyon    


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Le 14 juin 2018, l’APDEN Lyon a participé à la journée organisée conjointement avec l’Atelier Canopé de Loire et l’Inspection académique, sur l’évolution des espaces, l’évolution des usages. Suite à une présentation du travail de l’atelier Canopé par Arnaud Zohou, et avant une intervention d’Olivier George sur les cinq compétences à développer chez les élèves [1], nous avons eu l’occasion de présenter un travail en cours, associatif, sur cette question de l’évolution, notamment des CDI, en regard des missions des professeurs documentalistes.

A la suite de ce temps en plénière d’une heure, cinq ateliers étaient proposés, avec la possibilité pour chaque collègue présent d’en faire un le matin, un l’après-midi, sur le principe d’un accompagnement des pratiques et des réflexions plutôt que d’une formation. Les cinq thèmes étaient la politique documentaire, le CDI dans un écosystème, la lecture, l’outil Pégase et le dispositif Bibliobox.

Le travail de l’APDEN est proposé ci-dessous :

L’évolution des centres de documentation et d’information sous l’angle des recommandations internationales de l’IFLA

Afin de développer une réflexion sur l’évolution des CDI, l’APDEN propose de partir d’un travail d’envergure internationale, les recommandations de l’IFLA pour les bibliothèques scolaires.

En 2000, l’IFLA et l’UNESCO présentent conjointement un manifeste sur les bibliothèques scolaires, School Library Manifesto. C’est dans une perspective d’accompagnement de ce manifeste, auprès des administrations nationales, régionales et locales que la section School Libraries and Resources Center de l’IFLA décide de développer des recommandations pour les bibliothèques scolaires. Ce sont les School Library Guidelines, avec une première édition en 2002. Ces recommandations sont aussi pensées comme un support professionnel, pour les bibliothécaires scolaires, School librarians et Teacher librarians, qui sont professeurs documentalistes en France.

Une nouvelle édition est publiée en 2015, avec une équipe renouvelée au sein de la section School Libraries, avec la participation des directeurs et membres des bureaux de l’IASL, international association of school librarianship. On passe de 19 à 69 pages, avec huit traductions disponibles en 2018, dont le français sous la responsabilité de l’APDEN, avec Magali Bon, Christelle Breban, Catherine Collet, Isabelle Estève-Bouvet, Valérie Glass.

Comme énoncé dans l’avant-propos dès 2002, ces recommandations doivent être consultées et pratiquées de manière contextualisée, elles sont en équilibre entre l’idéal et le raisonnable. Ainsi, à partir de l’édition originale et de la traduction en français, dans la seconde édition, il est intéressant de lire ces recommandations internationales dans le contexte français et comprendre en quoi ces recommandations peuvent être un appui de réflexion essentiel pour réfléchir à la situation et à l’évolution des CDI français.

Cette présentation est un état des lieux des réflexions en la matière, dans le cadre du développement d’un travail plus fourni qui verra le jour dans les mois qui viennent.

Les objectifs doivent être à la base de la réflexion, et c’est bien ce que mettent en avant les School Library Guidelines. Ce sont d’abord des objectifs pédagogiques, avec un lieu dans lequel trouver l’équilibre avec des objectifs d’ouverture sociale, culturelle.

L’objectif de toutes les bibliothèques scolaires est de développer la littératie informationnelle des élèves

[pour former] des apprenants autonomes et compétents qui sont conscients de leurs besoins informationnels et activement engagés dans le partage des idées

[qui] font preuve de confiance dans leur capacité à résoudre des problèmes et savent comment trouver des informations pertinentes et fiables

[qui] maîtrisent les outils technologiques pour accéder à l’information et communiquer ce qu’ils ont appris.

[qui] sont capables d’agir avec aisance devant des situations de bruit ou de silence documentaire.

[qui] appliquent des normes exigeantes dans leur travail et réalisent des productions de qualité.

Une bibliothèque scolaire est un espace scolaire d’apprentissage physique et numérique,

où la lecture, le questionnement, la recherche, la réflexion, l’imagination et la créativité

sont au centre du cheminement des élèves

depuis l’information jusqu’à la connaissance,

et dans un but de développement personnel, social et culturel.

Les School Library Guidelines entrent en accord avec notre circulaire de mission, en France. Toutefois, si le professeur documentaliste est un fonctionnaire qui dépend de directives nationales, selon des enjeux mis en exergue au niveau national, le CDI est un lieu physique qui dépend de financements locaux, de cahiers des charges globalement inexistants… L’enquête effectuée au niveau national par l’APDEN en 2015, avec une synthèse intitulée « Le professeur documentaliste, le CDI et l’ouverture culturelle » permet de mesurer la diversité qui découle de cet état de fait [2]. On peut donc prendre appui sur cette enquête pour la lecture contextualisée de ces recommandations internationales.

Ressources humaines et financières

Si l’on réfléchit au lieu, à l’espace de la bibliothèque scolaire, du CDI, sans doute est-ce une erreur politique et stratégique de laisser de côté la question des ressources humaines, de leur nombre et de leur qualité. Les recommandations de la section School Libraries sont particulièrement claires à ce sujet : « la richesse et la qualité du projet d’une bibliothèque scolaire dépendent principalement des ressources en personnel au sein de la bibliothèque et dans l’établissement. » (p. 27)

La base des recommandations, c’est d’avoir un personnel, comme le professeur documentaliste en France, qui ait le même niveau de formation que les personnels d’encadrement, administratifs ou d’enseignement. Celui-ci doit s’occuper avant tout de sa mission d’enseignement, de la direction du CDI et de la gestion du personnel. C’est à ce dernier niveau que la France, comme la plupart des autres pays, souffre d’une négligence. Alors qu’il pouvait y avoir des « aide documentalistes », sous forme de contrats précaires, instables, peu sécurisés, plus ou moins fréquents selon les académies, ceux-ci ont peu à peu disparu, jusqu’à un couperet brutal en septembre 2017 avec la fin des dispositifs existants pour les CDI, celui des contrats aidés, ceux-ci toujours maintenus pour certaines fonctions comme celle des auxiliaires de vie scolaire (AVS), notamment pour les élèves souffrant de handicap. Pourtant, selon les recommandations internationales, c’est un personnel ainsi auxiliaire qui doit être en charge de la gestion quotidienne du CDI.

Ce sont les school librarians, bibliothécaires scolaires, à côté des teacher librarians, professeurs documentalistes, ainsi tel qu’on fait la différence au Japon par exemple [3]. D’autres personnels, par exemple des AED en France, peuvent être sollicités, avec une formation et un contrat clair en lien avec la particularité d’un tel lieu.

Un exemple de situation, sur deux années, l’une avec un professeur documentaliste et une aide documentaliste, l’autre avec un professeur documentaliste seul, pour un collège de 400 élèves, permet de mesurer l’impact d’une politique régressive en matière de personnels, par les chiffres de fréquentation et de prêts. Ainsi le nombre de prêts a baissé de 36 %. Les trois graphiques suivants permettent de mesurer une évolution significative de la fréquentation, liée directement à cette suppression de personnel quand bien même d’autres facteurs, mais de manière mineure, peuvent entrer en compte. Notons que, avec une mission pédagogique prioritaire, l’offre pédagogique en apprentissages info-documentaires fut approximativement la même sur les deux années. Ce sont chaque semaine entre 6 et 12 heures d’ouverture en moins, précisément 8,4 heures par semaine en moins pour les élèves en étude.

Fréquentation globale et par niveau, toutes activités confondus

Fréquentation globale et par niveau, toutes activités confondus

Fréquentation globale et par niveau, sans les séances pédagogiques

Fréquentation globale et par niveau, sans les séances pédagogiques

Fréquentation globale chaque semaine

Fréquentation globale chaque semaine

Bien sûr la réflexion sur le design thinking ou l’exigence d’une ouverture du lieu raisonnable en dehors des apprentissages info-documentaires ne peuvent pas apporter grande chose devant la suppression de fonctions aussi essentielles, ou encore devant la réalité d’un nombre de postes qui n’est pas proportionnel au nombre d’élèves.

Par ailleurs, l’exigence d’un accès à la culture égal pour toutes et tous, d’un développement de compétences info-documentaires dans un environnement adapté, didactisé, suppose une logique nationale pour des dotations en matériels et en ressources qui soient suffisantes pour tous. A l’issue de l’enquête menée par l’APDEN en 2015, il apparaît comme justifié, tant les écarts peuvent être grands, d’asseoir une base minimale de 1 500 à 2 000 euros, et considérer ensuite un ratio minimal de 5 euros par élève en collège et de 8 euros par élève en lycée, en dehors de toute dépense relative à la solution documentaire et aux besoins matériels du CDI, tout dépassement de ce ratio étant bien évidemment bénéfique, notamment pour les établissements dits sensibles. Ce souhait ne se base pas sur un fantasme irréaliste, mais sur une base globale qui, si elle est mieux répartie, permet de respecter chaque établissement et d’éviter trop d’écarts.

Les espaces du CDI

Sur l’espace proprement dit, les School Library Guidelines énoncent des règles à suivre, notamment sur la variété des espaces à trouver dans un CDI.

Ce sont :

  • un espace de travail et de recherche, pour le travail en autonomie, avec des stations pour des recherches sur le catalogue du CDI ;
  • un espace de lecture pour les livres et périodiques, que l’on retrouve souvent sous forme de chauffeuses, de gros poufs ;
  • un espace d’enseignement, qui doit pouvoir accueillir une classe entière, sans préciser s’il s’agit d’un espace attenant ou intégré ;
  • un espace pour des productions médiatiques et des projets de groupes, logiquement sur des espaces attenants, isolés, qui peuvent relever d’expressions à la mode comme des fab labs, ou encore d’espaces de création ou makerspaces ;
  • un espace d’administration et de gestion, avec un espace de stockage tel une réserve.

Il apparaît que la principale difficulté, particulièrement problématique, relève de l’absence fréquente d’un véritable espace d’enseignement. Ainsi, l’enquête menée par l’APDEN en 2015 révèle que la moitié seulement des collègues peuvent accueillir un groupe d’élèves, un tiers seulement une classe entière pour des apprentissages. Ce peut être associé bien évidemment à l’image que revêt une bibliothèque aux yeux des concepteurs et architectes, sans considérer qu’une bibliothèque scolaire suppose une conception spécifique. La première mission des professeurs documentalistes étant l’enseignement en information-documentation, cet absence d’espace d’enseignement pose un vrai problème pour assurer cette mission, avec la nécessité d’aller dans d’autres espaces de l’établissement, sans les ressources à disposition, ou encore sans autres ressources que les ressources numériques.

Les espaces de production médiatique et de projets focalisent beaucoup l’attention, actuellement avec la capacité de petites salles attenantes dans seulement un quart des établissements pourtant. On retrouve là finalement des lieux de clubs, de petites activités, d’expérimentations. La question se pose de la priorisation donnée à ces espaces quand les ressources humaines restent globalement insuffisantes pour assurer l’ensemble des missions officielles des professeurs documentalistes. Toutefois, ces espaces, si les moyens le permettent, sont potentiellement des bases riches pour construire des projets systématiques qui s’appuient sur des activités réparties par groupes sur un projet collectif, collaboratif, de complémentarités. Ils sont une respiration pour un métier qui par essence, historiquement, s’attache à innover, à trouver des modalités alternatives d’apprentissages. La difficulté étant toujours de trouver l’équilibre entre ce qui est essentiel et ce qui est accessoire.

Le travail de réflexion actuel passe par la constitution d’une banque de plans, de CDI qui fonctionnent, pour lesquels il existe l’essentiel des espaces, des capacités de modularité, non seulement pour aider les collègues en besoin de supports de réflexion pour des réaménagements, mais aussi pour proposer divers possibles auprès des concepteurs eux-mêmes, en considérant la particularité de CDI qui ne sont pas des bibliothèques ni des learning centres au sens universitaire de l’expression. Et cette communication est l’occasion de lancer un premier appel à la mutualisation de plans de tels CDI, qui peuvent ainsi nous être envoyés à l’adresse ecrire chez apden-lyon.fr ou directement aux membres du bureau de l’APDEN Lyon [4].

Concertation et évaluation

Idéalement, et c’est un point des recommandations, la politique d’acquisition relève de concertations, de règles mises en place de manière collective, quand le plus souvent ce sont les seuls professeurs documentalistes qui sont décisionnaires et gestionnaires. Le modèle de l’enseignement agricole français peut être observé, même s’il ne fonctionne pas forcément partout, avec l’organisation d’une commission CDI qui se réunit une ou deux fois par an, au moins pour des échanges sur les règles d’acquisition, sur les éventuels priorités, de même pour travailler sur la politique d’accueil et de communication pour la bibliothèque scolaire, dans son environnement. Le risque est toutefois que ce dispositif apparaisse comme une contrainte supplémentaire, comme participant d’une tendance à la réunionite aiguë. Si les protagonistes sont les seuls professeur documentaliste, gestionnaire et chef d’établissement, cela n’a aucun intérêt.

Sans évaluation, aucune prise de conscience n’est possible, aucune amélioration n’est envisageable. Il faut les preuves de ce qu’on avance, en matière de besoins financiers, humains. C’est aussi une mise en valeur du travail professionnel que de l’évaluer, à condition que ce travail ne soit pas ensuite l’objet d’un jugement par des personnels qui ne sont pas habilités à en porter. D’un autre côté l’évaluation ne peut être réduite à une contrainte annuelle de communication auprès de la communauté scolaire, par le biais du CA par exemple. Elle doit soutenir des évolutions, proposer des observations et des constats, positifs ou non, des explications ou facteurs, pour parvenir à des pistes d’amélioration. Ce sont des progressions, comparées d’une année sur l’autre, des indicateurs qui permettent chaque année de mesurer les décisions passées, l’efficience d’une reconfiguration des lieux, l’intérêt de tel ou tel projet autour de la lecture, l’influence des apprentissages sur l’attrait pour le CDI, etc. La section School Libraries propose également de développer des enquêtes auprès des élèves, des enseignants, voire des parents. Cela peut faire l’objet d’un travail de mutualisation, en France, afin de disposer d’une base d’enquête à adapter ensuite selon le contexte, peut-être à partir d’enquêtes existantes.


[1Provenant du marché de l’emploi, ces compétences sont déclinées par Canopé, en rapport plus ou moins lâche avec l’EMI, dans l’article suivant : CHRISTOPHE Corinne. Enseigner les compétences du 21e siècle à travers l’éducation aux médias et à l’information. In SavoirsCDI [en ligne], 2015. Disponible sur : https://www.reseau-canope.fr/savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/conduire-des-projets/travailler-en-partenariat/enseigner-les-competences-du-21e-siecle-a-travers-leducation-aux-medias-et-a-linformation-le-dispositif-marathon-presse/enseigner-les-competences-du-21e-siecle-a-travers-leducation-aux-medias-et-a-linformation.html

[3Sans pour autant qu’en pratique la situation soit meilleure au Japon.

[4Liste des membres sur : https://apden-lyon.fr/spip.php?auteur2

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