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Regard de l’Apden Lyon sur la lettre de rentrée 2022

D 14 novembre 2022     A Bureau de l’APDEN Lyon    


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Les professeurs documentalistes de l’académie de Lyon ont reçu cette année tardivement, datée du 28 septembre, la lettre de rentrée des IA-IPR EVS, leurs inspectrices et inspecteurs de tutelle [1]. Cette lettre copieuse révèle des priorités qui ne manquent pas de nous interpeller, en tant qu’association professionnelle. Ainsi, en outre une culture de l’information et des médias particulièrement minorée, avec une information-documentation invisible, la part croissante des dispositifs, plus ou moins durables, pose question sur l’ancrage de notre métier dans les établissements.

Un inventaire de dispositifs à investir

Ce qui frappe d’abord, dans cette lettre de rentrée, c’est la focalisation du corps d’inspection sur des dispositifs divers et variés. C’est le programme pHARe, « au sein duquel nous souhaitons que vous vous impliquiez largement », le dispositif Pix, qui « doit être l’affaire de toutes et tous », la « nouvelle » (sic) Charte pour l’éducation à la culture et à la citoyenneté numériques, la lecture grande cause nationale, avec plusieurs points pour lesquels « il s’agira pour vous de contribuer », le développement de la créativité et de la sensibilité artistique, « pour lesquelles votre contribution pourrait être pertinente ».

S’ils ne sont pas tous des nouveautés, l’insistance autour de ses dispositifs revêt le caractère d’injonctions hiérarchiques, à travers les formulations précédentes que l’on met en exergue. Et cela s’ajoute à d’autres dispositifs mis en avant dans les lettres de rentrée des années précédentes, dans lesquels la profession est plus ou moins engagée : l’oral du Brevet, le Grand Oral, le travail autour de la laïcité (dont on pourrait questionner l’absence dans la présente lettre), l’implication dans les Devoirs faits, dans l’évaluation et la remédiation auprès des élèves de Sixième et de Seconde, etc.

Nous pourrions longuement gloser sur la multiplication des dispositifs, mais nous pouvons nous en tenir à indiquer qu’ils nous amènent nécessairement à nous éloigner de nos missions, quand bien même nous aurions à les intégrer dans nos missions (ce qui est relativement logique pour la lecture, ce qui l’est moins pour pHARe, par exemple). Nous pouvons aussi regretter que la multiplication de ces dispositifs, souvent supports de communication institutionnelle, dans une forme de fuite en avant qui fait perdre de vue les engagements pris pendant les années précédentes, soit une raison majeure du développement d’un syndicalisme réactionnaire et populiste qui, dans un contexte d’élections professionnelles à la fin 2022, prend appui sur la vacuité de cet ensemble. Chaque dispositif peut sembler légitime, mais cet ensemble cumulé tend à l’indigestion de matières éducatives.

Malheureusement, les professeurs documentalistes, de par leur caractère et leur statut professionnel hybride, considérés à la fois comme personnels pédagogiques et personnels éducatifs au sens le plus large, considérés à la fois comme enseignants et comme animateurs, sont le réceptacles de ces dispositifs, et cette lettre de rentrée, de la plume d’inspecteurs associés aux « Etablissements et vie scolaire », n’en est que l’illustration paroxystique.

Où est passée l’information-documentation ?

Si les trois axes de notre mission sont mentionnés dans la lettre de rentrée, ils le sont surtout de manière implicite, d’abord pour préciser qu’ils « s’inscriront » dans les priorités de la lettre nationale de rentrée du 29 juin 2022, une formulation somme toute assez classique, mais aussi pour ramener les priorités et dispositifs précédents à notre circulaire de mission.

Le problème, ici, c’est que les liens entre ces dispositifs et nos missions ne sont pas définis. Ce peut être à nous de les penser, mais c’est tout de même encore le caractère multiforme de notre profession qui permet comme un brouillage. Ceci d’autant plus que l’entrée se pose par une notion très vague, celle de projet documentaire, dans lequel on serait ainsi amené à attendre de rencontrer tous ces dispositifs ainsi que d’autres, des années précédentes. A ce titre, de même que les principaux syndicats, nous incitons fortement les collègues à se méfier des procédures d’évaluation des établissements, en cours actuellement et qui amènent à des diagnostics particulièrement subjectifs et négatifs, voire à une forme de management toxique sur les équipes pédagogiques. Ainsi, tandis que le corps d’inspection « recommande » de prendre toute notre part à cet autre dispositif, nous soulignons le caractère problématique de celui-ci.

Dans les paragraphes introductifs de notre circulaire de mission, on lit que les professeurs documentalistes « forment tous les élèves à l’information documentation et contribuent à leur formation en matière d’éducation aux médias et à l’information ». Il est à ce niveau terrible que, seulement cinq ans après la signature ministérielle de cette circulaire, le corps d’inspection ne retienne que l’EMI, présente dans un petit paragraphe de cinq lignes seulement de cette lettre de rentrée. Les mots choisis et les recommandations d’ailleurs interrogent et laissent penser que même cette EMI doit être vite expédiée : on en est à se référer au vademecum du CLEMI, à simplement « déployer une réflexion sur cette thématique première », on en ressort avec l’impression de revenir dix ou vingt ans en arrière...

33 années après la création du CAPES de documentation, années pendant lesquelles la réflexion a été sans cesse déployée au sujet des apprentissages et enseignements de l’information-documentation, les professeurs documentalistes ne voient même pas leur domaine d’enseignement cité dans la lettre de rentrée. Ils voient leur pédagogie réduite à la contribution, voire à la seule réflexion. Nous ne pouvons y voir de maladresse, mais bien un écart vis-à-vis d’une mission essentielle.

Nous regrettons d’ailleurs que les quatre inspectrices et inspecteurs signataires de la lettre n’aient pas participé de près à la conception des formations proposées dans le cadre des nouveaux parcours de l’École académique de la formation continue, mentionnés dans la lettre. Les trois parcours d’approfondissement s’appuient sur les trois axes de mission, comme nous l’avons soutenu en tant qu’Apden Lyon. Mais alors que nous avons porté l’idée que le premier parcours s’engage sur l’information-documentation, sur les cultures de l’information, on observe que la réflexion a finalement été peu déployée, avec une reprise et une intégration des formations qui existaient déjà, sous le vocable d’EMI tel qu’on le retrouve dans la lettre de rentrée.

Une tendance académique ?

La tendance n’est pas propre à la seule académie de Lyon, mais la lecture d’autres lettres de rentrée, que nous nous sommes procurés pour douze autres académies, nous montrent tout de même des particularités locales, partagées avec l’académie d’Orléans-Tours chez qui la lettre de rentrée est similaire à la nôtre.

Ailleurs l’EMI peut être mieux encouragée, par exemple autour de sa généralisation et du développement des webradios (Aix-Marseille), premier point de la lettre également à Amiens, pour la mise en place d’une progressivité en EMI. A Nantes on rappelle rapidement notre rôle central dans l’EMI, sans proposer par ailleurs d’inventaire de dispositifs dans lesquels s’investir. L’EMI est aussi le premier point en Normandie, et c’est le sujet d’une journée académique déjà prévue pour le 14 mars autour des « inégalités et citoyenneté dans un monde numérique », alors qu’à Lyon ce type de journée n’est plus du tout à l’ordre du jour de l’organisation des formations.

Aucune lettre de rentrée ne semble user des expressions d’information-documentation ou de culture de l’information et des médias, expressions qui sont pourtant au cœur de notre circulaire de mission. Cette absence globale pose question sur l’évolution des corps d’inspection et sur son respect à l’égard de notre mission pédagogique et de son entièreté. Nonobstant, on observe des particularités locales, et force est de constater que dans l’académie de Lyon les apprentissages info-documentaires, au sens large, sont relégués en troisième division. La régularité dans les changements parmi le corps d’inspection, depuis 2015, ainsi que le fonctionnement et la constitution du collectif académique de travail en Documentation au niveau institutionnel, peut entrer comme une explication à cette situation. Heureusement pour nous, notre travail sur le terrain peut s’appuyer sur des projets pédagogiques et documentaires, mis à jour chaque année, en toute fin ou en tout début d’année scolaire, par exemple, projets qui ont tout intérêt à s’inscrire dans un temps long, cohérent, en relation avec nos axes de mission.

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